Rythmes circadiens

Monique LAVIALLE
INRA, Laboratoire de Neurobiologie, Jouy-en-Josas

 

 

 

Mise à jour : 01.12.04

 

Caractéristiques

Les rythmes de 24h, les rythmes lunaires et les rythmes annuels se distinguent des autres oscillations biologiques par leur relation temporelle avec les cycles physiques de l'environnement.

Les rythmes de 24h sont les manifestations d'une oscillation endogène, ils ne sont pas "imposés" par l'environnement ni même appris, ils sont inscrits dans le patrimoine génétique de l'espèce. En l'absence de facteurs temporels de l'environnement (isolement temporel) les rythmes présentent un "libre cours" et expriment leur propre période proche mais significativement différente de celle du jour solaire (circadien = environ un jour).

Cependant les cycles naturels servent à entraîner et mettre en phase ces oscillateurs endogènes en sorte qu'en conditions naturelles leurs périodes deviennent exactement de 24 heures et que les manifestations qui en dépendent présentent une relation de phase particulière avec la périodicité de l'environnement. Cette adaptation offre ainsi aux membres d'une même population la possibilité de vivre en synchronie.

L'alternance jour/nuit est le signal récurrent majeur de l'entraînement du rythme " journalier ". Chez les espèces vivant en régions tempérées, la variation de la durée du jour au cours de l'année modifie le profil des activités. C'est une information temporelle exploitée par l'animal capable de différencier les jours longs des jours courts. Cette aptitude permet à l'organisme de "décider" la mise en route de processus physiologiques qui régleront les activités à périodicité annuelle en coïncidence avec une époque propice.

Chez les Mammifères et notamment chez l'Homme, les rythmes circadiens de nombreuses fonctions telles que les taux hormonaux, la température corporelle, le rythme veille/sommeil sont strictement coordonnés ; c'est à dire qu'ils présentent les uns par rapport aux autres une relation de phase spécifique. Cette organisation temporelle des fonctions physiologiques et comportementales est assurée par un mécanisme central. Cette fonction revient à l'horloge circadienne localisée dans une petite structure paire du cerveau appelée le noyau suprachiasmatique (NSC).

L'horloge circadienne

Isolé du reste du cerveau, il continue à battre la mesure. Sa destruction entraîne la disparition de rythmes circadiens alors que la transplantation de NSC fœtal permet la restauration de ces rythmes. Ces résultats démontrent que le NSC constitue l'oscillateur principal chez les Mammifères.

Anatomie et physiologie

L'organisation cellulaire du NSC

Il comprend environ 16 000 neurones. La différence dans la morphologie et l'organisation des neurones entre le NSC dorso-médian et le NSC ventro-latéral est liée aux rôles différents joués dans la génération et la régulation de la rythmicité circadienne. La plupart des neurones dorso-médian synthétisent de la vasopressine, alors que ceux de la partie ventrale synthétisent principalement du VIP (vasoactive intestinal peptide). On trouve également, plus dispersés, des neurones à GABA et à somatostatine. Les astrocytes et leurs prolongements couvrent l'ensemble de la surface du NSC et peuvent s'imiscer entre les neurones.

Les manifestations rythmiques dans le NSC

L'activité globale du NSC mesurée au travers de l'activité électrique, de la synthèse protéique ou de la consommation de glucose est toujours plus importante de jour que de nuit. Ce rythme persiste chez les animaux maintenus en isolement temporel

En ce qui concernent les neuropeptides synthétisés dans le NSC tous présentent une variation journalière de leur expression et de leur libération. Cependant le profil de leur activité diffère. Ainsi le contenu en VIP présente un pic d'activité pendant la phase nocturne alors que celui du GRP est diurne. Par ailleurs tous ne manifestent pas une activité rythmique endogène. Ainsi les neurones à VIP et à GRP ne présentent aucune variation en obscurité constante.

Les astrocytes eux aussi montrent d'importantes modifications au cours de la période de 24h que ce soit en situation d'entraînement par le cycle jour/nuit ou en isolement temporel. Plusieurs données s'accordent pour attribuer au réseau astrocytaire un rôle dans la synchronisation des neurones du NSC.

Les voies afférentes

Trois voies principales

Le NSC reçoit, directement de certaines cellules ganglionnaires de la rétine, le signal photopériodique par l'intermédiaire du tractus rétino-hypothalamique (TRH). Le neurotransmetteur libéré est le glutamate.

Il reçoit aussi des informations photiques par une voie faisant relais dans le feuillet intergéniculé (IGL). Les projections en provenance de l'IGL libèrent du NPY (neuropeptide Y).

Le noyau du raphé qui reçoit des afférences rétiniennes innerve le NSC par un faisceau dense de fibres sérotoninergiques.

L'ensemble de ces afférences, qui converge plus particulièrement dans la portion ventrale du NSC, participe à l'entraînement et à la régulation des rythmes circadiens.

Les déphasages par stimulation photique

L'horloge peut être déphasée en avance ou en retard, sous l'action d'une stimulation lumineuse qui ne sera efficace que si elle est donnée à 2 moments bien définis de la période de 24h. En dehors de ces fenêtres temporelles aucune action n'est possible. Ces déphasages sont marqués par l'induction du gène précoce C-fos dans le NSC.

Les voies efférentes

Parmi les rythmes générés par le NSC, celui de la sécrétion de mélatonine est un des mieux connus. Sa sécrétion exclusivement nocturne peut agir en retour comme synchroniseur de rythme.

Le NSC influe sur d'autres systèmes dont :
le noyau paraventriculaire du thalamus impliqué dans la régulation des activités de sélection, mouvement et motivation
les noyaux dorsomédian et ventromédian de l'hypothalamus impliqués au travers de voies multisynaptiques dans la régulation du système nerveux autonome.

Déterminants génétiques de la rythmicité circadienne

De plus en plus de travaux se préoccupent de l'origine moléculaire de la rythmicité de l'horloge. Si plusieurs gènes sont aujourd'hui identifiés comme des composantes d'oscillations endogènes, de nombreuses questions demeurent concernant leur rôle. En effet, chez la souris, le rôle des gènes de l'horloge a été proposé en raison de la similitude avec des gènes homologues identifiés chez la drosophile, mais les démonstrations n'ont pas été apportées sur le plan génétique. Globalement, qu'il s'agissent de moisissure, d'insecte ou de mammifère, les boucles d'autorégulation sont une constante des horloges : des facteurs de transcription, qui constituent la composante positive du système, déclenchent l'expression des gènes d'autres protéines. Celles-ci vont ensuite réprimer indirectement leur propre expression, en inhibant les facteurs de transcription.

REPERES BIBLIOGRAPHIQUES

Le Center for Biological Timing en Virginie

Depuis l'origine de la chronobiologie jusqu'aux applications cliniques. Ce site apporte en quelques points les éléments de démonstration de l'importance et de la place des rythmes circadiens dans nos différentes activités.

" Les Rythmes du vivant " - J. Boissin et B. Canguilhem , Nathan/CNRS Editions, 1998.

Une leçon et un état des lieux destinés aux : 2e cycle de sciences de la vie et de la Terre, CAPES, agrégation, classes préparatoires, PCEM, professeurs du secondaire, médecins.

" Suprachiasmatic nucleus, the Mind's Clock " - DC Klein, RY Moore, SM Reppert Eds, Oxford University Press, 1991.

Bien qu'édité en 1991, reste un ouvrage de référence réunissant différents auteurs sur le développement, l'anatomie et la physiologie du noyau suprachiasmatic.

" Hypothalamic integration of circadian rhythms " - Progress in Brain Research, RM Buijs, A Kalsbeek, HJ Romijn, CMA Pennartz, M Mirmiran Eds, Elsevier, 1996.

Par rapport à l'ouvrage précédent celui-ci, également à auteurs multiples, apporte des données sur les mécanismes cellulaires et moléculaires, sur l'organisation fonctionnelle du noyau suprachiasmatique et sur ses voies de sortie.

" Rythmes biologiques et santé " Pathologie Biologie, Expansion Scientifique Française, Vol 44 n°6 et n°7, 1996

Ces numéros spéciaux sont édités par la Société d'édition de l'association d'enseignement médical des hôpitaux de Paris.
Différents articles montrent en quoi les rythmes et la santé sont étroitement liés

" Les mécanismes moléculaires de l'horloge circadienne " - N Cermakian, P Sassone-Corsi, Médecine Sciences, avril 2000, n°4 p504-512.

" Rythmes biologiques : les secrets d'une horloge " - N Cermakian, P Sassone-Corsi, La Recherche, janvier 2001, n°338 p38-42.

2 journaux français facilement consultables. Les 2 rapportent l'état des recherches sur les gènes de l'horloge, les hypothèses et les questions soulevées.

 

Haut de Page Haut
 
RESCIF
ESPCI - 10, rue Vauquelin 75005 Paris
Tél : 01 40 79 46 99
Courriel : rescif (at) risc.cnrs.fr