LA REPRESENTATION de l'ESPACE

Atelier du Réseau de sciences cognitives d'Ile-de-France

Responsables : Maya Hickmann et Michel Denis


Programme 2001-2002

JOURNEE SCIENTIFIQUE

" La représentation de l'espace "

le Vendredi 31 Mai 2002
Collège de France, Paris 5ème, Salle 5
11 place Marcelin Berthelot - métro Cluny-Sorbonne ou Saint-Michel

 

9h15 Ouverture
9h30-10h20

Roger Lécuyer (Université René Descartes) Le bébé dans l'espace

 

Résumé :

Dans la théorie de Piaget, l'intelligence du bébé est sensori-motrice et la connaissance de l'environnement résulte donc de l'activité sensori-motrice. Ceci est aussi vrai pour la construction de l'espace que pour la connaissance des objets qui s'y trouvent. Mais cette théorie n'a pas ensuite subi le même traitement au sujet de l'espace et des objets. Concernant l'objet, le nativisme a fortement contesté Piaget : les bébés auraient un noyau de connaissances inné sur leurs propriétés. En revanche, le nativisme ne semble pas avoir de position sur la construction de l'espace. Concernant l'espace et les activités de recherche d'objets, la plupart des auteurs insistent sur le rôle des déplacements actifs et restent donc à l'inverse très ancrés sur la théorie de Piaget. La comparaison, classique dans ce domaine, entre enfants locomoteurs et non locomoteurs, présuppose une construction tardive de l'espace qui contraste avec la précocité de l'objet.
Un troisième courant théorique suppose une construction de l'objet et de l'espace sur la base de l'activité perceptive, et donc de manière synchrone. Ce point de vue sera illustré à partir de trois exemples : 1) la catégorisation de figures géométriques chez les bébés de 3/5 mois ; 2) la représentation de la troisième dimension dans des images bi-dimensionnelles, chez les bébés de 3/5 mois ; 3) la recherche manuelle d'objets chez des enfants sains et handicapés moteurs de 30 mois.

Références

Baillargeon, R. (2000). La connaissance du monde physique par le bébé. Héritages piagétiens. In O. Houdé & C. Meljac (Eds.), L'esprit piagétien (pp. 55-87). Paris: Presses Universitaires de France.
Baillargeon, R., & Wang, S.-h. (2002). Event categorization in infancy. trends in cognitive sciences, 6(2), 85-93.
Barbu-Roth, M. (2002). Le développement des codages spatiaux dans la première année. In H. Bloch (Ed.), Les objectifs de la prime enfance (pp. 159-184). Paris: Hermès Lavoisier.
Campos, J. J., Anderson, D. I., Barbu-Roth, M. A., Hubbard, E. M., Herstenstein, M. J., & Witherington, D. (2000). Travel broadens the mind. Infancy, 1(2), 149-219.
Lécuyer, R. (1993). A propos de l'erreur A non B. Psychologie Française, 38, 63-74.
Lécuyer, R. (2001). Rien n'est jamais acquis. De la permanence de l'objet de polémiques. Enfance, 55(1), 35-65.
Lécuyer, R., & Durand, K. (1998). Bi-dimensional representations of the third dimension and their perception by infants. Perception, 27, 465-472.
Lepecq, J. C., Jouen, F., & Gapenne, O. (1995). Sensorimotor organization and cognition in infancy: some francophone contributions. Cahiers de Psychologie Cognitive, 14(2), 121-150.
Poirier, C., Lecuyer, R., & Cybula, C. (2000). Categorization of geometric figures composed of three or four elements by 3-month-old infants. Cahiers de psychologie cognitive, 19(2), 221-244.
Rivière, J., & Lécuyer, R. (2002). Spatial cognition in young children with spinal muscular atrophy. , 21(3). Developmental Neuropsychology, 21(3), under press.
Spelke, E. S. (1994). Initial knowledge: six suggestions. Cognition, 50, 431-445.
Spelke, E. S. (1998). Nativism, empiricism, and the origins of knowledge. Infant Behavior & Development, 21(2), 181-200.

10h20-11h10

Barbara Tversky (Stanford University) Forming and Accessing Spatial Mental Models: Perspective

 

Résumé :

Broadly speaking, people's experience of space is from one of two perspectives, exploring an environment from the inside or exploring an object from the outside. Conceptually, people can go easily from one to the other. Large environments that people explore can be conceived of as object-like maps. Similarly, people can imagine exploring objects from the inside, as in mentally walking through a circuit board or body. These two perspectives are instantiated in talk about space as well. In a survey perspective, similar to examining an object from the outside, elements or landmarks are described with respect to one another in terms of an external coordinate system like NSEW. In a route perspective, similar to examining an environment from the inside, landmarks are described with respect to a moving observer in terms of the observer's left, right, front, and back.
In spontaneous spatial descriptions, people frequently mix perspectives. In previous work students learned environments from reading descriptions that used survey or route perspectives. After learning, they were tested with T/F questions from both perspectives. Students were as fast and accurate answering questions from the learned perspective as from the other perspective (as long as the questions weren't verbatim), suggesting that the mental representations formed are perspective-free. Other research suggests that there should be costs to perspective switching. During formation of spatial mental models from descriptions, we find a cost to switching perspectives. This all but disappears after answering a few T/F questions. Results from hybrid descriptions indicate that switching reference frames is more costly than switching referent objects. The findings suggests that there are costs to switching perspective when learning an environment, but that the costs are eliminated after repeated retrieval of information from the environments.

11h10-11h40 Pause
11h40-12h30 Fabienne Tanon (ENS) Voyage interculturel dans les descriptions spatiales : à quels repères se fier ?
 

Résumé :

L'étude des systèmes d'orientation utilisés par les individus à travers le monde fait apparaître une grande diversité selon les groupes culturels. La présomption que le système utilisé dans notre culture occidentale pour décrire des situations spatiales, basé sur le corps propre du locuteur, est universel s'est avérée totalement inexacte. Des recherches en psychologie, en anthropologie et en ethnolinguistique entre autre sont venues confirmer l'hypothèse du relativisme linguistique, à savoir que différentes langues induisent différents encodages conceptuels et donc différentes manières de concevoir les relations spatiales.
A cela s'ajoute la complexité inhérente aux concepts spatiaux, selon que l'on parle de relations entre objets visibles ou invisibles, de descriptions de plans et cartes, d'événements à localiser, de trajets à parcourir, de navigation à grande échelle, et j'en passe. A chaque fois des descripteurs spatiaux spécifiques vont être mobilisés, en fonction du contexte de la situation d'élocution, des interlocuteurs en présence, des niveaux d'" espace " interpellés. La complexité de ces concepts, à travers les cultures et les langues, représente une source de questionnement sur le fonctionnement cognitif de l'homme et sur le lien entre culture et cognition.
A partir de recherches menées par divers groupes de chercheurs tels ceux de l'équipe de Levinson du Cognitive Anthropology Research Group (CARG) du Max Planck Institute de Nijmegen, ou encore les travaux de Pierre Dasen et collaborateurs, nous allons analyser les effets de la relativité culturelle sur ces notions et tenter de voir comment interpréter les résultats dans une approche comparative et critique. Comment les interrogations apportées par ces travaux nous permettent de revoir certains présupposés théoriques, de ré-examiner les protocoles d'enquêtes et d'ouvrir de nouvelles perspectives.

Références

Danziger, E., 2001. Cross-cultural studies in language and thought : is there a metalanguage ? in C. C. Moore & H. F. Mathews, he Psychology of Cultural Experience . Cambridge, Cambridge University Press, 199-222.
Dasen, P. R., Mishra, R. C., & Niraula, S., 2000. Ecology, language and performance on spatial cognitive tasks. Unpublished paper presented at the XVth IACCP congress, Pultusk, Poland, July 2000.
Levinson, S. C. (1996). Frames of reference and Molyneux's question: cross-linguistic evidence. In P. Bloom, M. Peterson, L. Nadel, & M. Garrett (Eds.), Language and space (pp. 109-169). Cambridge, MA: MIT Press.
Wassmann, J., & Dasen, P. R. (1998). Balinese spatial orientation: Some empirical evidence for moderate linguistic relativity. The Journal of the Royal Anthropological Institute, incorporating Man (N.S.), 4, 689-711.

12h30-14h Déjeuner
14h-14h50 Claude Vandeloise (Louisiana State University) Topologie et fonction dans la description de l'espace
 

Résumé :

Les termes spatiaux ont longtemps été définis par des notions statiques empruntées à la géométrie ou à la topologie. Mais si les prépositions devant et derrière se contentent de diviser l'espace en deux régions symétriques, pourquoi est-il tellement étrange de remplacer l'oiseau est devant la maison par la proposition converse la maison est derrière l'oiseau? Rien dans la syntaxe du français ou dans la structure de l'espace ne peut justifier la bizarrerie de la dernière proposition. Mais si on cesse de l'interpréter comme une description pour y lire une instruction où le deuxième terme (LE SITE) permet de localiser le premier (LA CIBLE), tout s'éclaire immédiatement: on utilise normalement une maison pour localiser un oiseau mais non l'inverse.
Le message est clair : dans le langage ordinaire, les termes spatiaux ne sont pas utilisés pour décrire l'espace mais pour permettre son utilisation. Cet aspect fonctionnel et dynamique du langage spatial se confirmera à travers l'analyse lexicale des prépositions dans et sur et du verbe toucher. En ce qui concerne dans et sur, il est vrai que la concavité du site ou le contact vertical entre la cible et le site sont des critères importants pour le choix de ces mots. Mais lorsqu'il s'agit d'expliquer l'acquisition de ces termes par les enfants ou le développement pris par ces mots dans la langue française, les relations fonctionnelles entre le contenant et le contenu d'une part, entre le porteur et le porté de l'autre, ont un rôle crucial à jouer. Le verbe toucher, quant à lui, évoque la notion de contact. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un contact topologique puisque une armoire qui touche un mur ne partage aucun point commun avec lui. De surcroît, tous les verbes d'action physique impliquent le contact physique mais il serait incorrect de dire que quelqu'un touche un verre s'il le prend, même si on ne peut pas prendre sans toucher. Pour cette raison, le verbe toucher est mieux défini par la transmission minimale d'énergie. Un candidat idéal à la description topologique de l'espace s'avère ainsi marqué lui aussi par la force.

Références

Garrod S. C, Gilian Ferrier & Siobban Campbel, 1999, "In and on: investigating the functional geometry of spatial prepositions", Cognition 72: 167-189
Merleau-Ponty, 1945, La phénoménologie de la perception, Gallimard: Paris
Vandeloise, C. 1986, L'espace en français, Le Seuil: Paris
Vandeloise, C. 2001, Aristote et le lexique de l'espace, CSLI: Stanford

14h50-15h30 Christoph Schlieder (Universität Bremen) Spatial partonomies
15h30-16h Pause café
16h-16h50 Alain Berthoz (Collège de France) Bases neurales de la mémoire des trajets : le problème des référentiels
16h50-18h Table Ronde
- François Jouen (Laboratoire de Psychologie du Développement, EPHE)
- Michel Denis (LIMSI CNRS)
- Marie-Noëlle Chamoux (CELIA CNRS)
- Stéphane Robert (LLACAN CNRS)
- Gérard Ligozat (LIMSI CNRS)
- Bruno Poucet (Laboratoire de Neurobiologie de la Cognition, CNRS)

 

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